15/08/2011
Dans ce pays de Centre-Afrique, les éléphants disparaissent en silence et dans une quasi- indifférence, décimés par les braconniers. Leur nombre est passé de 4000 individus en 2006 à 2500 lors du dernier recensement en 2010. Rien que sur les 12 derniers mois, 170 éléphants ont été abattus au Tchad.
Le gouvernement tchadien, malgré sa détermination, reste impuissant face à des braconniers de plus en plus lourdement armés et équipés des dernières avancées technologiques incluant le GPS et les téléphones satellites. Ces bandes armées traversent régulièrement la frontière Sud du Tchad en quête d’éléphants. L’ivoire transite via l’Afrique de l’Ouest et/ou l’Afrique Centrale à destination des marchés d’Asie ou d’Europe.
Selon Céline Sissler-Bienvenue de l’Ifaw (Fonds international pour la protection des animaux), l’argent issu de ce trafic permet l’achat d’armes qui alimentent les conflits régionaux tels que ceux observés dans la région du Darfour, au Soudan et en République Centrafricaine. Et la seule réponse permettant de mettre fin à ces attaques sanglantes contre les éléphants du Tchad et les autres éléphants d’Afrique serait de réduire la demande pour l’ivoire, notamment en Chine, et de s’assurer que les rangers recoivent la formation adéquate et l’équipement nécessaire pour affronter les braconniers professionnels.
Depuis 2009, l’Ifaw dispense des formations d’appui à la lutte anti-braconnage, soutient les rangers et les responsables dans les pays africains qui rencontrent d’importantes difficultés à mettre fin à ce trafic d’ivoire. Dès que la situation le permettra, l’Ifaw se rapprochera du gouvernement tchadien afin de lui proposer son aide.
Les éléphants sont également victimes de la réduction de leur territoire. Historiquement, ils migrent à la fois vers le Cameroun et vers la République Centrafricaine en utilisant les mêmes corridors depuis des siècles, mais les fermiers se sont installés à l’intérieur de la plupart de ces corridors ce qui a inévitablement provoqué des conflits, provoquant chaque année des morts dans les deux parties.
Le Parc de Zakouma
Crée en 1963 le Parc National de Zakouma couvre environ 300 000 hectares dans la région du Salamat, au Sud-est du Tchad. La topographie de la région et l’abondance des précipitations (800 mm en moyenne entre juin et septembre) sont propices à l’apparition de grandes zones inondées en saison des pluies, et rendent la majeure partie du parc inaccessible.
Dès le mois de juin, les pachydermes se rassemblent et quittent la partie Est du parc en direction des zones périphériques Nord et Sud-ouest, à une centaine de kilomètres des limites de l’aire protégée selon des axes bien déterminés. Ils ne reviennent dans le parc qu’au mois de septembre. La zone périphérique du Parc constitue ainsi un territoire d’accueil pour ces animaux au cours de la saison des pluies mais dans lequel aucune mesure de surveillance ou de protection n’existe. Les éléphants sont principalement abattus lors de leurs migrations
La population d’éléphants du parc de Zakouma
En 1986, après une guerre civile, les sécheresses successives – surtout celle de 1973 – et l’épidémie de peste bovine, le gouvernement tchadien fit appel à Pierre Pfeffer pour faire un état des lieux de Zakouma. Le résultat fut désastreux. Ce n’est qu’au terme de deux semaines de patientes recherches qu’il découvrit une soixantaine d’éléphants à la fois paniqués et agressifs, plusieurs d’entres eux exhibant encore des blessures sanguinolentes et couvertes de mouches. Et le reste de la faune n’était pas en meilleur état.
Grâce à la plaidoirie de Pierre Pfeffer qui fut entendue de tous côtés, un financement permit de lancer le programme de réhabilitation du parc au travers de projets successifs dont celui de CURESS en cours actuellement. Ces mesures de protection mises en oeuvre depuis 1989 ont transformé Zakouma en un véritable sanctuaire pour la faune soudanienne, avec un accroissement spectaculaire de certaines populations animales
A la suite de dénombrements aériens, il y avait 3900 individus en 2005 ; nombre qui a commencé à décliner à partir de la saison sèche de 2006 où on ne comptait plus que 3000 éléphants. Les effectifs ont ensuite brutalement régressé de 940 individus en 2008 à seulement 620 en 2009 pour finir à 450 aujourd’hui! (Poilecot P.; Djimet B.; Ngui T).
Accord signé entre le Tchad et le Cameroun
Le ministre des forêts et de la faune du Cameroun, Elvis Ngolle Ngolle, et le ministre de l’environnement du Tchad, Hassan Terap, ont signé un protocole d’accord pour la création ducomplexe transfrontalier Bouba N’Djida et Sena Oura. L’Afrique compte désormais 45 millions d’hectares d’aires protégées. Cet accord vise à intensifier les efforts pour combattre le braconnage.
Selon le ministre tchadien, le Cameroun et le Tchad sont confrontés aux mêmes défis de gestion des ressources naturelles, et il est temps de raffermir les relations de coopération entre les deux pays pour une meilleure harmonisation des politiques stratégiques de gestion des écosystèmes.
Les mesures comprennent : une coopération entre les autorités qui gèrent les parcs et une augmentation des gardes armés, une gestion concertée et durable pour les deux pays, la conservation des ressources et spécifiquement la lutte contre le braconnage à grande échelle. A titre de mesures compensatoires de la limitation des droits d’usage, l’ensemble des populations de la zone concernée bénificiera de 20% des taxes percues par le parc.
* Zoologiste français qui fut expert-consultant de l’UICN pour l’Afrique et président du WWF France de 1976 à 1983. Il fut également le promoteur de la campagne Amnistie pour les Éléphants et président du RAPAC, Réseau des Parcs Nationaux et réserves d’Afrique Centrale.
Sources : http://www.ifaw.org/ifaw_france/media_center/press_releases/06_20_2011_71546.php
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.